Soucieux, à l'instar de M. Draghi, d'accréditer l'idée d'une divergence entre les économies américaine et européenne pour mieux préparer l'opinion à l'adoption d'un QE (quantitative easing, "assouplissement quantitatif", euphémisme utilisé pour désigner l'usage immodéré de la planche à billet), Le Monde d'aujourd'hui titre à la une "Croissance : l'Europe laissée sur place par le décollage américain".
Cette opinion tranchée fait suite à l'annonce, ce mardi 25 novembre, des chiffres trimestriels actualisés mensuellement du PIB américain attendus à 3,3% et publiés à 3,9%.
Il n'en faut pas plus pour enflammer les plumes au Monde qui claironne que "La croissance des Etat-Unis s'envole" et qu'elle "a atteint 4,6% et 3,9% lors des deux derniers trimestres" et "qu'il s'agit de la meilleure performance depuis 2003".
Or les 4,6% et les 3,9% ne sont que les sommets des estimations mensuelles comme l'atteste le tableau annuel ci-dessous.
PIB AMERICAIN TRIMESTRIEL
Actuel:3,9%
Prévue:3,3%
Précédent:3,5%
Date de sortie | Heure | Actuel | Prévue | Précédent | |
---|---|---|---|---|---|
Oct. 30, 2014 | 13:30 | 3,5% | 3,0% | 4,6% | |
Sep. 26, 2014 | 13:30 | 4,6% | 4,6% | 4,2% | |
Août 28, 2014 | 13:30 | 4,2% | 3,9% | 4,0% | |
Jui. 30, 2014 | 13:30 | 4,0% | 3,0% | -2,1% | |
Juin 25, 2014 | 13:30 | -2,9% | -1,7% | -1,0% | |
Mai 29, 2014 | 13:30 | -1,0% | -0,5% | 0,1% | |
Avr. 30, 2014 | 13:30 | 0,1% | 1,2% | 2,6% | |
Mars 27, 2014 | 13:30 | 2,6% | 2,7% | 2,4% | |
Fév. 28, 2014 | 14:30 | 2,4% | 2,5% | 3,2% | |
Jan. 30, 2014 | 14:30 | 3,2% | 3,2% | 4,1% | |
Déc. 20, 2013 | 14:30 | 4,1% | 3,6% | 3,6% | |
Déc. 05, 2013 | 14:30 | 3,6% | 3,0% | 2,8% |
Source fr.investing.com
On observe dans ce tableau que, le PIB, "la croissance" comme dit Le Monde, a été inférieure aux attentes au premier semestre et qu'elle était encore négative en juin.
Comparé à ces brillants résultats, Le Monde met en exergue la stagnation de la zone euro (0,1% et 0,2%) qui "souffre du surendettement des Etats et d'un chômage massif".
Si vous pensez que Le Monde condamne le surendettement en soi c'est que vous avez mal lu car il suffit d'ouvrir le "cahier éco" en pages intérieures pour comprendre que ce qui est condamnable ce n'est pas l'endettement en soi mais l'endettement qui ne s'accompagne pas d'un QE, c'est-à-dire qui n'est pas un prétexte pour faire tourner la planche à billet. L'endettement américain, pour Le Monde, est vertueux car il est censé diluer par la création monétaire ex nihilo la valeur de la monnaie donc aussi celle de l'endettement dû aux politiques "sociales" et militaires de l'Etat providence, fût-ce au prix de la destruction du capital formé par les individus (qu'importe puisque l'individu et le capital sont les deux ennemis jurés de l'hyperclasse représentée par Le Monde). Pourtant, en matière d'endettement, on le sait, les Etats-Unis n'ont pas de leçons à donner à l'Europe, ni même au plus endetté de ses membres, la France. En effet, on se souvient que le plafond de la dette américaine a été porté à 16700 milliards de dollars en octobre 2013. Ce mercredi 26 novembre, elle s'élève à 17957 milliard de dollars, soit 56234 dollars par américain et 153390 dollars par contribuable. La dette française se monte ce jour à 2079 milliards d'euros (soit 2500 milliards de dollars), la dette par Français n'est donc que de 31000 euros soit 38000 dollars. Pourtant Le Monde nous répète que c'est la France qui va mal et qui est au bord de la faillite alors que l'Amérique, patrie désignée du capitalisme, affiche une santé resplendissante. On trouve la réponse à ce paradoxe dans le panégyrique de l'interventionnisme américain fait par Claire Guélaud sous l'euphémisme de "pragmatisme" en prêtant son raisonnement à "l'expert" Jean-Michel Boussemart de COE-Rexecode. En réponse à la crise des supprimes en 2008, "les Etats-Unis qui ne sont pas contraints par un pacte de stabilité, laissent évoluer leurs déficits publics au fil de l'eau et n'imposent pas un surcroît d'austérité à leur population."
Comme c'est bucolique, les déficit publics "au fil de l'eau" alors qu'ils vont à vau-l'eau !
Tandis que l'UE, applique dès 2011 "des politiques très restrictives. La BCE augmente ses taux d'intérêt en avril et en juillet". Effectivement, les taux ont été augmentés de 1% à 1,25% en avril 2011 et furent portés à 1,50% en juillet 2011 mais ce que Le Monde omet de préciser que depuis, ils n'ont cessé de baisser - 1% en décembre 2011, 0,75% en juillet 2012, 0,50% en mai 2013, 0,25% en novembre 2013, 0,15% en juin 2014 et 0,05% depuis septembre 2014 - le crédit est donc gratuit pour les banques en Europe comme aux Etats-Unis et si l'on suppose comme Le Monde que la baisse artificielle des taux par les banques centrales est en soi bonne pour l'économie, on ne saurait imputer le marasme européen à la hausse de ces mêmes taux puisqu'ils n'ont cessé de baisser depuis décembre 2011.
Mais ce que Le Monde se garde bien de commenter, c'est le comportement singulier du dollar sur le pseudo-marché des changes où nous opérons, le FOREX après la publication des chiffres du PIB. En bonne logique, l'augmentation du PIB américain, si elle avait été prise au sérieux par le pseudo-marché des changes aurait donc dû faire monter le dollar et donc baisser l'euro. Or on a pu observer le mouvement inverse. L'euro a poursuivi son mouvement de correction à la hausse, à contre-courant des actes de langage de M. Draghi, preuve que le marché des changes, celui de la fausse monnaie, n'a salué cette importante statistique que par une salve de scepticisme.
Le rôle d'un journal d'information comme Le Monde est de nous expliquer les raisons de ce scepticisme mais comme ces éclaircissements risqueraient de jeter un doute sur le bien fondé de la création monétaire ex nihilo, le journal du soir a fermé les yeux. La raison de cette hausse contre toute logique apparente est que contrairement à ce que donne à penser la une du Monde, c'est bien l'indice du PIB qui est en hausse et non celui de la croissance. La nuance n'est pas une argutie car si le PIB américain est aussi haut c'est d'abord que l'endettement qui, en vertu des principes keynésiens, entre dans le calcul du PIB, ne diminue pas et donc soutient le PIB. Sans cette dette abyssale de 17957 milliard de dollars, ce château de sable sur lequel est construit l'illusion de la puissance des Etats-Unis, l'augmentation du PIB serait probablement proche du taux 0 à l'image de "la croissance" européenne. On parlerait alors de marasme alors qu'il tombe sous le sens que seule une Amérique débarrassée de son déficit budgétaire et du poids insupportable de sa dette serait vraiment en mesure de prendre un nouvel essor, d'où la baisse du dollar mardi après la proclamation des chiffres du PIB qui ne suscitent plus visiblement que l'enthousiasme du journal Le Monde.
Au milieu de ce désordre monétaire, ce mardi 25 novembre, nous avions tenu absolument à prendre un pose logique en ouvrant une position à la baisse à 1.2430 avec un objectif à 1.2400. Or l'euro n'a baissé que jusqu'à 1.2403, à 3 pips de notre objectif avant de remonter brutalement après la publication du PIB à 14h30 et, à 16h, de l'indice des consommateurs américains, attendu à 95,9 et publié à 88,7 alors qu'il était précédemment de 94,1. Le marché réagissait à cette statistique négative alors qu'il s'était montré rétif à la nouvelle d'un PIB négatif. Tout se passe donc comme si le mouvement haussier était plus qu'une correction et qu'il ne réagissait plus à l'illusion des statistiques américaines que lorsqu'elles sont négatives, ce que nous avons payé mardi 25 novembre d'une perte de 30 pips, la paire ayant atteint notre "stop loss" à 1.2460. Aujourd'hui, mercredi 26 novembre, l'eurodollar est repassé au-dessus de la résistance des 1.2500 qui consolide en menaçant de devenir un nouveau support pour une poursuite de la hausse de l'euro : il y avait sans doute une manière plus courtoise de saluer la une du Monde !
EUR/USD graphique horaire du 20 au 27 novembre 2014
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