mardi 4 novembre 2014

Cassure des 1.25 : l'euro fort au bord du gouffre ?



Je viens de terminer les index nominum et rerum du premier livre de mon Capital et je n’ai donc plus d’alibi pour négliger ce blog.

Je tâcherai donc dorénavant de tenir une chronique régulière de ma prétention à savoir naviguer dans "le ventre de la bête" qui n’est plus guère navigable même pour les professionnels tant les perturbations introduites par les mesures dites « non conventionnelles » des banques centrales sont dantesques.

Fin mai, j’avais laissé l’euro à 1.3745 dollars et le voici à 1.2500. Que s’est-il passé pendant que je m’évertuais à définir ce que la politique monétaire détruit, le capital ?

Comment se fait-il qu’entre deux fausses monnaies qui ne valent rien le taux de change puisse varier à ce point alors que tant la zone euro que les États-Unis connaissent un endettement insensé et une croissance anémique ?

L’économie n’est pas encore une science car elle s’entête à imiter les sciences de la nature alors que sa matière est l’homme, que comme le résumait Yves Guyot, le capital c’est l’homme. A ceux qui rêvent que l’économiste puisse répondre à notre question, rappelons que Paul Krugman, Prix Nobel d’économie mais surtout chroniqueur influent à la Pravda du néosocialisme (socialisme qui se donne pour capitalisme), le New York Times, est allé récemment au Japon pour apporter sa caution à la politique délirante d’injection de liquidités du Premier ministre Abe.

Mais l’économie, à défaut d’être devenue la science qu’elle promettait d’être au XIXe siècle, est au moins un art. Celui qui sait en économie n’est pas l’universitaire mais l’entrepreneur car on ne peut pas connaître sans pratiquer. Pour étudier le Forex, le plus grand marché du monde (dont le volume d'échange journalier de 4000 milliards de dollars est équivalent au PIB annuel de l'Allemagne !), il me faut donc prendre des risques que je vais m’efforcer de limiter en n’engageant que 1000 dollars de capital car mon ambition n’est pas de gagner de l’argent mais de ne pas trop en perdre et d’apprendre en faisant (learning by doing), ce que les économistes institutionnels ne veulent surtout pas envisager car s’ils risquaient leur capital en appliquant les modèles qu’ils fabriquent, ils deviendraient bien vite prolétaires. Ils se contentent donc d’apporter leur caution scientifique à la spoliation légale qui permet aux Etats d’empêcher que l’homme capitalien devienne capitaliste en le prolétarisant par la spoliation légale, ce qui permet d’en faire un client «durable ».

Le Forex est un champ passionnant pour le moraliste car l’on y perd plus qu’on y gagne si on a « la prétention de savoir », si l’on se borne à faire de la prospective au lieu de tenir pour acquis qu’on ne sait rien. De ce point de vue, et de ce point de vue seulement, c’est donc un « marché » hayékien.

Mon capital est de 1000 dollars et les principes du « money managment » (rapport capital/risque) m'autorisent à acheter pour 20 000 dollars à chaque ouverture de position et de gagner ou de perdre quelques dizaines de dollar sur des positions quotidiennes (intraday) et plusieurs centaines de dollars en pertes ou en profit sur des positions de quelques semaines (swing trading).

Il faut d’abord reconnaître que techniquement, une cassure franche des 1.2500 serait un signe baissier d'envergure car ce niveau a servi du support pour une hausse durable de l’euro a bien de reprises. Il suffit de jeter un coup d’œil sur le graphique hebdomadaire pour remarquer que le rallye baissier de l’euro, qui a commencé en juin dernier a trouvé sur les 1.25 une zone de support solide, le dernier rebond ayant atteint les 1.2840, devenu zone de résistance alors que dans le précédent mouvement haussier elle faisait office de zone de support. La paire EUR/USD a rebondi à la baisse sur cette zone et actuellement elle teste à nouveau le support de 1.2500. Les supports suivants sont sur 1.2250 et 1.2000, zones que l’on peut prendre comme objectif pour un trade.

Je jette un coup d’œil du côté des positions en cours prises par les grandes banques qui dictent la tendance en connivence avec les banques centrales sur ce que l’on appelle improprement le « marché des devises » : la tendance est à la vente. Le 31 octobre 2014, JP Morgan à ouvert une position à la vente (short) à 1.2521 sans communiquer son objectif, avec une limite de perte (stop loss, abrégé par SL en jargon) de 1.2800 ; le même jour BNP Paribas est entré à 1.2520 à la vente avec l’objectif (take profit, abrégé par TP en jargon) de 1.1800 avec un stop loss (SL) à 1.2800 ; le 28 octobre Morgan Stanley avait pris deux positions toutes les deux à 1.2750 mais la première vise 1.2400 tandis que la seconde vise 1.2000. Toutes les deux ont un stop à 1.2800. Citi était entré dès le 21 octobre à 1.2771 à la vente avec un TP à 1.2200 et un SL à 1.3100.
Le Crédit Agricole est la seule grande banque dont la position soit actuellement perdante car elle est entrée à l’achat le 10 octobre lorsque l’euro était à 1.2660 avec un TP à 1.3100 et un SL à 1.2350.
Ce pari du Crédit agricole qui n’est pas dénué d’un bon sens (près de ses sous et non pas près de chez vous) dont le pseudo-marché préfère ne pas tenir compte tant l’insécurité entretenue par les politiques « non conventionnelles » des banques centrales pèse sur la rationalité des choix. Le Crédit agricole après la publication du texte du FOMC annonçant la fin du QE 3 a décidé de maintenir sa position « longue » (haussière) en publiant un réjouissant communiqué intitulé

« Attention à vous les baissiers ! 
« Nos analystes ont décrit le communiqué du FOMC la semaine dernière en disant « moins dovish ne signifie pas plus hawkish ».
« La performance robuste des treasuries US suite au FOMC suggère que les traders d’obligations (Bonds, treasuries..) sont du même avis, ce qui contraste avec le rallye du dollar.
Est-ce que ce rallye du dollar est exagéré ? Nous pensons que oui et maintenons notre position haussière EUR/USD du 10 octobre (achat sur 1.2660, objectif 1.31 et un stop loss sur 1.2350).
En effet, étant donné la forte relation inverse sur les corrélations journalières entre EUR/USD et les treasuries US au cours des dernières semaines, l’absence de hausse des taux d’emprunt US devrait être interprété comme un avertissement pour les EUR/USD bears. » 
(les « bears » désignent les baissiers).

L’observation est pertinente et nous reviendrons plus longuement sur la mystérieuse mention « temps considérable » réitérée par la FED à propos de l’augmentation des taux qui aujourd’hui semble repoussée aux calendes grecques. La « divergence » entre la politique de la FED et de la BCE est plus cosmétique que ne le laissent croire les « ours », les baissiers (dont je suis sans vraiment y croire car sur ce "marché" de Panurge, il faut bien s'efforcer de suivre la tendance).

Notant vendredi soir, 31 octobre, que l’EUR/USD flirtait avec le support, j’ai fini par rejoindre les ours en passant dimanche soir 2 octobre à la réouverture des cours un ordre de limite à 1.2480, soit 20 pips sous le support majeur du graphique ci-dessus, avec un TP à 1.2000. Idéalement il faudrait placer le SL sur la résistance des 1.2840 mais je n’ai pas assez de capital pour prendre une telle marge. En me rabattant sur le graphique de 5 heures je note qu’il y déjà des résistances à casser qui invalideraient le scénario baissier dès 1.2675. Je choisis donc cette valeur comme SL.

L’ordre s’est déclenché dans la nuit du lundi 3 novembre. On aurait pu croire à une cassure franche mais, peut être un effet du vieil adage selon lequel il est vain de vendre un lundi, la devise après avoir atteint un creux sur 1.2440 a rebondi fortement avant de remonter sur le support des 1.2500 en fin de journée, ce qui m’a fait naturellement regretter de ne pas avoir, au lieu de me concentrer sur la position « swing »,  passé des ordres « intraday » short (à la vente) à partir de la cassure et long (à l’achat) à partir du support intraday. Preuve que ce rebond était révélateur de l’incertitude du « marché », l’euro est monté alors que les statistiques publiées ce lundi auraient dû le pousser à la baisse. En effet l'indice des directeurs d'achat (PMI) du secteur manufacturier allemand attendu à 51,8 avait été publié le matin à 51,4, en deçà des attentes du marché tandis que l'indice des directeurs d'achat (PMI) américains de l'institut de gestion des approvisionnements (ISM) attendu à 56,2 avait dépassé l’après-midi les attentes du marché à 59,0.

La semaine sera marquée par deux événements majeurs. La réunion mensuelle de la BCE, jeudi 6 novembre, dont le rite consiste à faire suivre l’annonce des taux directeurs par une conférence de presse de l’oracle Draghi destinée à stimuler la volatilité et la fièvre spéculatrice sur la paire euro/dollar (EUR/USD en jargon) par quelques actes de langage ciblés, et la publication mensuelle vendredi 7 novembre des fameuses NFP (abréviation de Non Farm Payrolls, « salaires non agricoles » aux États-Unis) qui sont susceptibles également de provoquer de vastes mouvements, à la hausse comme à la baisse. Nous saurons alors si la cassure des 1.2500 est durable.

Mario Draghi s’est évertué ces derniers mois à entretenir l’idée d’une divergence de politique entre la FED et la BCE en faisant miroiter des formes larvées d’assouplissements quantitatifs (en jargon quantitative easing) alors que la FED laissait entendre que le QE 3 allait toucher à son terme en octobre.
On ne doute pas que M. Weidmann, directeur de la Bundesbank, aura appelé M. Draghi pour le prier de mettre la pédale douce. Angela Merkel n’a-t-elle pas déclaré une bonne fois pour toute que l’euro (pour ne pas faire regretter le mark) avait vocation à fluctuer entre 1.30 et 1.40 dollars pour 1 euro ? En deçà la monétisation de la dette devient trop voyante.

L’effervescence a commencé dès hier, mardi 4 novembre, sous la forme toujours d’un acte de langage. Cette fois-ci, il s’agit d’une rumeur diffusée par l’agence Reuter qui a poussé l’euro à la hausse jusqu’à 1.2577, à - 97 pips du point d’entrée de notre trade. Selon Reuters, les gouverneurs de la BCE auraient l’intention de faire savoir à M. Draghi qu’ils n’ont pas apprécié son initiative d’annoncer un objectif de 3000 Mds pour le bilan de la BCE. Draghi a non seulement omis d’en faire part aux gouverneurs de la BCE avant la dernière conférence de la BCE mais surtout à Jens Weidmann, qui préside la Bundesbank.

Les Allemands sont bien placés pour juger le mythe d’un euro faible qui favoriserait les exportations. Ils savent que la productivité et l’innovation qui permettent de soutenir un haut niveau d’exportation sont les fruits du capital et qu’une érosion de l’euro par le QE larvé vers lequel semble se diriger la BCE, entame le capital qui, par défaut, se mesure en monnaie, et donc tarit l’investissement. Bien que la France ait pris la tête des pays du Sud qui militent pour un QE à l’américaine et une monétisation de la dette, contraires aux statuts de la BCE, on a la bonne surprise d’apprendre que Christian Noyer, président de la Banque de France, a voté avec Jens Weidmann contre la décision d’acheter des ABS (Asset-backed securities), créances pourries qui transforment la BCE en « bad bank » sur le mode de la FED.


On ne doute pas que la poétique de l’oracle Draghi fera de nouvelles merveilles jeudi pour rendre à nouveau crédibles ses velléités d’assouplissement quantitatif à moins que les «marchés» ne se lassent d’être dupés à chaque conférence de la BCE mais rien n’est moins sûr…

Graphique horaire des mouvements sur la paire EUR/USD du mercredi 29-10 au mardi 4-11

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